mercredi 25 juin 2008

Mais Deckard est-il un réplicant ?

Mine de rien, j'ai de la chance d'habiter à Lille. A côté du cinéma UGC qui ne passe que les films "grand public" se situe un petit cinéma, le Majestic, qui pense aux néo-Bobos dans mon genre. En tout cas, la semaine dernière, il y avait une rétrospective qui permettait aux spectateurs de revoir plusieurs films de science-fiction.
Ainsi, j'ai eu l'occasion de découvrir THX 1138, l'excellent premier film de Georges Lucas (et franchement Robert Duvall est un des acteurs américains les plus sous-estimés), Children of Men avec le charismatique Clive Owen (épatant vraiment et la scène finale où les soldats armés jusqu'aux dents se confrontent à la vision d'un nouveau-né est simplement bouleversante) et j'ai pu revoir Blade Runner. La claque

J'avais déjà vu le film et lu le livre de Phillip K.Dick à l'âge de 12 ans. Et force est de constater que je n'avais pas compris grand chose. Je tenais surtout à le voir pour la présence d'Harrison Ford (Indy oblige) que pour mon intérêt pour les films d'anticipation. J'avais donc le souvenir d'un film de science-fiction assez lent, d'un méchant qui me faisait penser à un super guerrier sorti tout droit de Dragon Ball Z, d'un Harrison Ford étincelant et d'une Sean Young assez laide.

Si le film est, en effet, assez lent, je m'étais trompé sur toute la ligne. Lé méchant n'en est pas un, Sean Young est franchement mignonne et Harrison Ford se contente de faire le job. Une sorte de Robert Mitchum du futur en fait. Mais l'intérêt est ailleurs.

L'histoire, résumée, est celle de Rick DEckard, Harrison Ford donc, dont la mission est d'éliminer tous les androïdes présents sur Los Angeles. Une ville de Los Angeles qui est filmée comme une vaste énigme d'ailleurs. Point de soleil ou de palmiers mais une sorte de cité en ruine constamment plongée dans l'obscurité. Création de l'homme, les Nexus 6, version la plus poussée des androïdes, étaient originellement conçus pour servir d'esclaves aux hommes et les aider à coloniser les planètes avoisinantes. Seulement, ils se sont rapprochés de plus en plus de leur créateur jusqu'à leur emprunter certains de leurs sentiments. Le sentiment d'injustice est sûrement celui qui est le plus mis en évidence dans le film. Créés pour vivre 4 ans, les Nexus-6, avec Roy (magnifiquement interprété par un Rutger Hauer touchant de rigidité) en tête, se rebellent et cherchent à retrouver leur Créateur, Tyrell, afin qu'ils leurs permettent de vivre plus longtemps.

Voilà pour la trame, largement différente du livre de Phillip K.Dick.
Justement, elle permet de mettre en valeur des interrogations que le livre ne permettait pas. Ainsi, la scène du combat entre Roy et Deckard résume presque à elle seule tout le propos du film. D'un côté, on a un Deckard lâche au possible qui redouble de coups bas pour essayer d'en finir avec Roy en voyant bien qu'il est plus faible physiquement que lui. De l'autre, on a Roy, robot plus humais que les humains, qui, habillé tel les athlètes allemands des années 30, cherche à créer des conditions de combat justes, sauve la vie de son ennemi et récite de la poésie avant de mourir. Et puis cette scène est intéressante également parce qu'elle voit le traqueur devenir traqué et inversement.

Et puis évidemment, il y a cette ambiguité que Ridley Scott a entretenu autour du film : Deckard est-il un réplicant ?
Si l'on s'en tient à la version director's cut du réalisateur, il n'y a pas vraiment de doute possible : Deckard est un réplicant. Et en y repensant, quelques allusions sont présentes le long du film. Déjà, l'appartement de Deckard regorge de photos. Or, on apprend dans le film que, pour convaincre les androïdes d'avoir un passé, la Tyrell corporation leur fournit des photos en leur faisant croire qu'elles représentent des membres de leurs familles. Ensuite, il y a cette ténébreuse histoire d'amour entre Harrison Ford, le Blade Runner chasseur, et Sean Young, l'androïde chassée. Le fait que Deckard puisse tomber amoureux d'une Nexus 6 ne signifie pas quelque chose ?
Et puis, enfin, il y a ce rêve récurrent de Deckard au sujet d'une licorne. De la même manière, on sait que l'on implante des souvenirs et des rêves dans l'esprit des robots. Or, le réalisateur insiste sur ce rêvé récurrent et nous met la puce à l'oreille par l'intermédiaire de Gaff, autre Blade Runner. Celui-ci vient voir Deckard après la mort de Roy et lui dit que sa mission est terminée en ajoutant, en parlant de Sean Young, "Dommage qu'elle doive mourir, mais n'en sommes nous pas tous là ?". Cette phrase resterait anecdotique si, lors de la dernière scène, un origami en forme de licorne n'était pas posé devant l'appartement de Deckard alors que celui-ci s'apprêtait à fuir avec sa bien aimée. Or, Deckard n'a parlé de son rêve à personne. Et Gaff passe son temps à faire des origamis.

"Blade Runner", en tout cas, n'est pas un film de science-fiction comme les autres. Pas tout à fait futuriste, pas tout à fait actuel, il propose une vraie réflexion sur l'utilisation de la technologie par les Hommes. Mais aussi sur les Hommes tout court.

Edit : La vidéo plus haut est une interview de Ridley Scott qui donne sa version des choses. Sans commentaire.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Juste pour l'anecdote : il y a aussi une Licorne dans l'amoncellement de "marionnettes" chez J.F. Sébastien... Pour ma part, je pense que nous sommes tous des réplicants dans la mesure où nous ne sommes pas sûr à 100% de notre mémoire, et de l'heure de notre mort !
Bravo pour l'article !